lundi 24 septembre 2007

La trilogie républicaine (III)

Liberté, égalité, fraternité :


La fraternité

Troisième et dernier volet de la trilogie républicaine, la fraternité est certainement la plus difficile à se laisser dévoiler dans son acception laïciste et républicaine.

En effet, quelle femme, quel homme oserait mettre en cause ce principe ? Il est évident qu’il constitue le ciment de l’humanité, de toute société humaine sans lequel il n’y aurait point de vie organisée possible.

Antoine Furetière dans son dictionnaire de la fin du XVIIème siècle définit la fraternité comme l’intelligence, l’union entre deux frères, deux amis, deux compagnies.

Le dictionnaire Quillet (édition de 1963) fait également référence au lien de parenté entre frères et soeurs.

Le terme même de frère est riche de signification. Sont frères les enfants issus d’un même père, et du sein d’une même mère. Il évoque donc un lien charnel, naturel, indéfectible. Nous sommes frères et sœurs pour toujours, même si, comme cela arrive trop souvent dans les familles, les liens se distendent en raison d’obscures querelles.

La fraternité est donc une valeur précieuse qu’il convient à tout prix d’inculquer et de développer chez nos enfants car elle fonde une solidarité sans faille, une aide et assistance mutuelles et peut même atteindre l’héroïcité des vertus par le don total de soi.

Cette fraternité nous la connaissons dans l’Eglise catholique. Elle porte un nom : la charité ou l'Amour du prochain. Ainsi, Mère Térésa et ses sœurs témoignèrent largement de ce sens de la fraternité et plus loin de nous saint Vincent de Paul. Mais il existe des exemples cachés de fraternité. L’Eglise catholique n’est d’ailleurs pas la seule à se consacrer à cette œuvre de charité, rebaptisée de nos jours œuvre caritative, charité ayant une connotation bien trop catholique. Bien d’autres la pratiquent mais nous verrons quelles sont les limites d’une fraternité hors du Christ.


Saint Vincent de Paul, né en 1581, mort en 1660 et canonisé en 1737. Il fonda notamment la congrégation des Filles de la Charité, ou Soeurs de Saint Vincent de Paul, célèbres pour leur fameuse cornette.





Sainte Catherine Labouré, la plus connue des Filles de la Charité, à qui la Vierge Marie apparut à la chapelle de la rue du Bac à Paris en 1830. Elle fut à l'origine de la Médaille miraculeuse répandue ans le monde à des millions d'exemplaires.

La fraternité républicaine

Quelle fraternité nous propose donc l’idéologie républicaine ? Celle que je viens de décrire ? Avant de répondre à cette question, observons, comme nous l’avons fait pour liberté et égalité, que les principes de liberté et de fraternité s’excluent. En effet, la liberté au sens des droits de l’Homme sans Dieu conduit, a minima, au communautarisme et au pire à l’individualisme forcené.


La fraternité sans Dieu devient un monstre froid dans la république laïque. Les premiers à en faire les frais seront les ouvriers et les entrepreneurs avec la loi d’Isaac Le Chapelier de juin 1791 qui interdit toute corporation professionnelle, notamment le compagnonnage, au nom de la liberté d’entreprendre.

Art. 1 : L'anéantissement de toutes espèces de corporations des citoyens du même état ou profession étant une des bases fondamentales de la constitution française, il est défendu de les rétablir de fait, sous quelque prétexte et quelque forme que ce soit.


Isaac Le Chapelier, avocat de son état, né à Rennes en 1754, fut guillotiné pendant la Terreur en 1794.


Le résultat de cette mesure se traduisit lors de la révolution industrielle par l’apparition d’une masse ouvrière sans défense et sans protection sociale face aux patrons des manufactures, issus de la bourgeoisie voltairienne, dont le seul souci était de réaliser les plus gros profits sur le dos des ouvriers payés avec des salaires dérisoires. Il s’ensuivit une effroyable misère dans ce qui fut le prolétariat qui sera à l’origine de violentes révolutions et qui fit le lit des mouvements révolutionnaires et anarchistes.

Les révoltes des canuts de Lyon en 1831, 1834 et 1848 sont la conséquence de l’extrême paupérisation qui poussera les ouvriers de la Croix-Rousse à l’insurrection.

Il est révélateur d’observer que depuis 1789 la France a vécu une succession rapprochée de troubles majeurs faits d’émeutes, de révolutions de guerres civiles et de guerres tout court :

La grande révolution et la Terreur
Le coup d’état du 18 brumaire
Les guerres napoléoniennes
La révolution de 1830
La révolution de 1848.
Le coup d’état du 2 décembre 1851
La Commune de Paris en 1870.
La lutte contre l’Eglise catholique fin XIXème et début du XXème siècle
La Ière guerre mondiale
Le front populaire
La IIème guerre mondiale
L’effondrement de juin 1940 et la formation de l’Etat de Vichy
L’épuration de 1944 ou une guerre qui en cache une autre
Le putsch l’Alger en 1961
La révolution « culturelle » de mai 1968

En guise de fraternité on peut faire nettement mieux. La république fraternelle, quant à elle, engendre une triple division :

Une division économique

Elle est à l’origine des graves conflits sociaux des XIXème et XXème siècles avec développement du capitalisme sauvage et ses conséquences : anarchisme et communisme. Le libéralisme d’aujourd’hui n’est guère meilleur car son vrai visage est en partie masqué par l’intervention de l’Etat dans le domaine social. D’où la fracture sociale chère à Jacques Chirac, bon thème support de sa campagne présidentielle, mais dont il ne s’est guère occupé par la suite.

Une division sociologique

Elle se concrétise aujourd’hui par le morcellement de la France : morcellement ethnique lié à une immigration encouragée ou acceptée par la majorité de nos politiciens, morcellement sexuel avec la montée du féminisme, version revue et corrigée de la lutte des classes, qui oppose de manière très conflictuelle les hommes aux femmes auquel s’ajoute le combat du « troisième sexe », celui du monde homosexuel revendicatif. Morcellement encore par la montée d’une discrimination anti-française en application du principe de discrimination positive qui est un non - sens sur le plan de la justice sociale et une forme de ségrégation inversée à raison de l’origine ethnique.

Une division politique.

La France ne s’est vraiment jamais remise de 1789 qui a profondément divisé le pays en deux. Cette division reste très vivante quoi qu’on en pense, même si la « droite » s’est ralliée à l’idéologie de gauche surtout pour mettre en œuvre son libéralisme économique. Mais droite et gauche sont deux alliés objectifs pour pouvoir survivre. Elles se nourrissent et vivent de leur opposition. On le voit avec la politique menée par Nicolas Sarkozy qui, en faisant appel à des hommes de gauche, déstabilise un peu plus le parti socialiste.

En fait la fraternité républicaine ou révolutionnaire ne s’entend que comme une union pour reprendre la définition de Furetière, contre les valeurs traditionnelles défendues par l’Eglise. Elle est, d’ailleurs, plus une fraternité de circonstance qu’une réelle solidarité de cœur. Nous en avons pour preuve les pages hautement édifiantes de la Terreur, où après avoir éliminé tous ceux qui gênaient peu ou prou la marche folle de la révolution, les enfants de Voltaire, Rousseau et consorts se livrèrent entre eux à un combat acharné auquel peu survécurent. Heureusement que les « Lumières » étaient passées par là auparavant car on peut se demander ce qu’il serait advenu de notre pays.

Gravure de l'époque intitulée "La véritable guillotine ordinaire Ha le bon soutien pour la liberté. "

Probablement qu'elle fut un bon soutien pour la fraternité dans l'esprit des révolutionnaires.



Une observation tirée du dernier livre de Benoît XVI, Jésus de Nazareth – Joseph Ratzinger Benoît XVI, s’applique, on ne peut mieux, à notre réflexion d’aujourd’hui.

Méditant sur la première tentation de Jésus au désert qui vit le démon inciter le Christ à transformer les pierres en pain, le pape écrit ceci :

« Les aides des pays de l’Occident aux pays en voie de développement, fondées sur des principes purement techniques et matériels qui, non seulement ont laissé Dieu de côté, mais ont encore éloignés les hommes de Dieu par l’orgueil de leur prétendu savoir, ont fait du Tiers Monde le Tiers Monde au sens moderne. De telles aides ont écarté les structures religieuses morales et sociales existantes et ont introduit leur mentalité techniciste dans le vide ainsi créé. Elles croyaient transformer les pierres en pain, mais elles ont donné des pierres à la place du pain. »

Notre république en deux siècles a produit beaucoup de pierres mais peu de pain.

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