mercredi 26 septembre 2007

Les amalgames trompeurs


Royauté ou démocratie ?

Monarchie ou république ?

Faut-il opposer ces types de régimes de la sorte ou faut-il opérer un croisement des mots qui nous donnerait royauté contre république et monarchie contre démocratie ?

Force est de reconnaître que l’homme de la rue, peu soucieux de précision sémantique, s’y perd très vite. Mais il est vrai qu’il ne pense pas à se poser la question puisqu’on lui a toujours rabâché que la monarchie de l’Ancien Régime était obscurantiste, oppressive tandis que la démocratie lui a apporté la liberté avec les droits de l’homme.

Pour répondre à cette double interrogation, nous nous livrerons à une étude en plusieurs parties. Mais on ne peut répondre sans se tromper que si l’on a bien compris le sens de la question. Or quelle perception ont les Français de la monarchie, à part les reportages affligeants de mièvrerie sur la famille royale britannique et ses frasques à répétition ?

La première partie est consacrée à la perspective faussée que nous avons de l’ancien Régime.

Nous avons vu que la trilogie républicaine se fondait sur trois concepts, liberté, égalité, fraternité, éminemment louables en eux-mêmes, à condition de les prendre dans leur acception chrétienne, et non dans le sens donné par l’idéologie révolutionnaire qui prévaut toujours aujourd’hui, laquelle les a vidés de leur sens traditionnel pour les reprendre à son compte en évacuant au passage l’idée même de Dieu.

Il y donc une duplicité des termes qui trompent les esprits.

De même nous avons montré que la république, la nôtre, joue en permanence sur des mythes. Nous en avions retenu trois : le pouvoir du peuple, la séparation des pouvoirs et la volonté générale en tant que source de la loi.

Comment sommes-nous arrivés maintenant à ignorer notre passé historique, voire le mépriser, sans lequel nous ne serions pas ce que nous sommes ? C’est ce à quoi nous allons tenter de répondre.

Le matraquage des esprits

En premier lieu, force est de constater que nos esprits sont conditionnés dès l’enfance. Nous avons vu précédemment que la république a cherché avec acharnement à éradiquer toute culture chrétienne. L’école de Jules Ferry n’avait pas d’autre objectif que celui-ci. Non seulement, elle enlevait à l’Eglise le droit d’enseigner mais en plus elle faisait passer SON histoire de France. Or pour faire avaler les énormités que l’on entend désormais, il fallait que le véritable esprit critique soit anesthésié. Pour y parvenir, les idéologues procèdent par amalgames et confusion, le tout sur un fond de matraquage permanent des esprits.

L’amalgame porte sur les rapprochements entre monarchie et un certain nombre d’idées convenues.

Dès les premières années de notre vie scolaire, l’enseignement officiel nous apprend que la royauté était un régime injuste et oppressif.

Mais avant d’aller plus loin, une précision en forme de parenthèse s’avère indispensable. Il est bien évident que la monarchie française a souffert de faiblesses de différentes natures selon les époques (n’oublions pas que lorsque nous parlons de la monarchie en général, nous englobons huit siècles de notre histoire sans discernement. Le règne de Philippe Auguste n’a rien à voir avec celui de Louis XI, et ce dernier pas davantage avec le règne de François Ier. La France de 1680 n’a plus grand-chose de commun avec celle de 1780). Donc lorsque nous parlons de monarchie de quelle monarchie s’agit-il ? Faut-il faire référence au règne de Louis XVI, le dernier des souverains « absolus » qui, précisément, fut un roi attentif, loin d’être un despote ou un tyran comme le laissait si bien entendre la propagande de l’époque.

Ceci étant, nous ne répéterons jamais assez qu’un régime politique ne vaut que par ce que valent les hommes qui le servent. Ainsi saint Thomas d’Aquin reconnaît la république comme une des formes pures de gouvernement au même titre que la monarchie, mais il affirme que si la monarchie dans sa forme corrompue donne la tyrannie, la république débouche sur la démocratie. Etonnant, non, à plus de sept siècles de notre si « chère démocratie » ?

Refermons cette parenthèse qui était indispensable pour éviter tout contresens sur ce qui est écrit ici.


Amalgame 1 : Royauté et pauvreté
S’agissant de la monarchie, nous nous l’avons remarqué plus haut, la république dans son enseignement associe monarchie avec malheur du peuple, privilèges de la noblesse et du clergé exploitant le petit peuple.

Ainsi, le manuel d’histoire du cours élémentaire des années 50 (Fernand Nathan, édition de 1955) termine chaque leçon par un résumé intitulé « Apprenons ». A propos de Louis XIV, il nous apprend précisément ceci :

« 1 - Louis XIV est appelé le grand Roi ou le Roi Soleil. Les courtisans l’adorent comme un dieu.
2 – Mais le peuple est malheureux.»


Louis XIV ou la magnificence royale

Le résumé est articulé en deux affirmations. La première fait ressortir la grandeur du monarque, grandeur quasi divine. Soit ! Il y aurait à dire beaucoup sur ce point mais là n’est pas le sujet. Puis arrive brutalement la seconde affirmation : « Le peuple est malheureux ». Rien dans le texte de la leçon n’explique en quoi le peuple était malheureux. Mieux, il n’est aucunement fait état du malheur des Français. Il y a un décalage entre les deux affirmations avec un effet recherché qu’introduit la conjonction « mais ». Elle ne signifie pas habituellement « par conséquent » qui laisserait supposer un lien de causalité entre la magnificence royale et la misère du peuple. Mais ici, la juxtaposition brutale des deux propositions lui donne quasiment ce sens particulier. De plus la formulation des phrases accentue le choc au point de provoquer chez l’élève un sentiment de violente indignation à l’évocation de ce roi divinisé qui règne sur un peuple miséreux.

Vendeurs ambulants au XVIIème siècle. La pauvreté est réelle dans la paysannerie. Le fossé entre Versailles et le monde rural est vertigineux. Cela ne doit pas conduire à des amalgames que l'on peut tout aussi bien faire aujourd'hui.


Ce qui est remarquable dans la deuxième proposition tient en outre à la brièveté de la phrase : « Mais le peuple est malheureux. ». Tout est dit en cinq mots, sans nuance, sans la moindre précision. C’est un postulat au sens mathématique, c'est-à-dire une vérité qui ne se démontre pas, donc qui ne se discute pas.

Qu’entend-on par le peuple ? Mystère ! Est-ce la classe paysanne qui constitue l’immense majorité des sujets du roi ? On ne le sait pas davantage. La grande et la petite bourgeoisie, sont-ils inclus dans ce constat ? On peut le supposer puisque l’affirmation ne fait pas dans la nuance. Quid des commerçants et artisans ? On ne sait pas. Loin d’être la classe la plus malheureuse dans la société de l’époque, la bourgeoisie sera un siècle plus tard à l’origine de la révolution et non les paysans, loin s’en faut.

Il ne s’agit pas de dire que sous l’Ancien Régime tout était parfait mais la république nous offre, mutatis mutandis, les mêmes travers. Lorsque l’ancien chef de l’état, Jacques Chirac, s’offrait des vacances à l’Ile Maurice dans un hôtel de luxe avec une suite à 20 000 francs la nuit, tandis qu’il reconnaissait l’existence de la fracture sociale avec ses laissés pour compte, quand Nicolas Sarkozy se fait offrir des vacances aux Etats-Unis ou un court séjour en yacht, là où beaucoup de Français épargnent laborieusement pour s’offrir de vacances en mobile home, n’y a t-il pas un décalage tout aussi choquant que celui observé sous Louis XIV. Hélas, le monde est ainsi fait. La répartition des richesses n’existe pas plus aujourd’hui que sous Louis XIV. Chômage, précarité, emploi, sécurité, avenir de la jeunesse sont des sujets récurrents de crainte chez beaucoup. Je ne pense pas que l’immense majorité des Français sous la Vème république baigne dans un sentiment de bonheur béat, mais ni plus ni moins que leurs ancêtres du XVIIème siècle.


Amalgame 2 : royauté et moeurs
Autre amalgame parmi les plus fréquents, on a l’habitude de coller sur le dos de la monarchie les pratiques de jadis, comme si la monarchie étant intrinsèquement perverse, ne pouvait produire que de la violence, de l’injustice, de l’inégalité.

Limitons nous à la justice royale. Elle pratiquait la question, autrement dit la torture légalisée. Les exécutions capitales étaient violentes (supplice de roue, bûcher, décapitation à la hache), le summum étant atteint avec le supplice réservé aux régicides. Je vous renvoie sur les nombreux récits de l’exécution de Damiens qui tenta de poignarder Louis XV en janvier 1757. Le caractère atroce du supplice attira néanmoins un grand monde dont beaucoup de femmes qui supportèrent étonnamment bien un spectacle particulièrement horrible qui dura plusieurs heures.

Néanmoins, déjà des esprits déjà s’élèvent contre de telles pratiques qui répugnent. Louis XVI abolira la question définitivement.


Le supplice de Ravaillac, assassin du roi Henri IV. Damiens fut exécuté en 1757 dans les mêmes conditions.

Tous les états en Europe pratiquaient la torture, la peine de mort était banalisée. La France était dans ce domaine plutôt en modérée, si l’on peut dire, même si les usages de l’époque nous paraissent barbares aujourd’hui. Gardons-nous de juger le passé avec nos modes de pensée modernes !




Autre forme de question, le supplice de l'eau. La gravure montre avec la présence d'un greffier ou magistrat le pointillisme juridique dans l'application de la torture.


Comment mieux l’illustrer si ce n’est qu’en évoquant un épisode dramatique de notre histoire, la mort du roi Henri III en 1589. Les circonstances sont pour le moins étonnantes. Georges Bordonove en fait le récit dans son livre consacré à Henri IV, relatant comment Jacques Clément, l’assassin, qui demandait audience fut introduit auprès du roi. Il apporte cette précision anecdotique surprenante :

« Le lendemain, 1er août vers 8 heures du matin, La Guesle l’ [Jacques Clément] amena donc chez le roi. Ce dernier était sur sa chaise percée, une robe de chambre jetée sur les épaules. C’était la coutume bizarre du temps que de donner audience en cet appareil, et nul ne s’en choquait ! »

Imaginons un instant l’actuel président de la république, en audience au palais de l’Elysée, recevant, assis dans les toilettes un quelconque visiteur !!! Cette scène grotesque est de nos jours impensable. En 1589, elle n’avait rien de choquante car la société n’avait pas le même sens de l’intimité et de la pudeur quaujourd’hui. Nous sommes dans ce domaine dans deux mondes totalement différents. Ceci montre à quel point la pratique répétée des repentances sur notre passé est ridicule.


Application de la question en Angleterre. La question fut définitivement abolie sous Louis XVI. La technique la plus fréquemment employée fut celle des brodequins qui faisaient éclater les os des membres inférieurs comprimés entre des planches de bois.

Les pratiques judiciaires des républiques de Venise et de Gênes n’étaient pas plus avancées que celles des monarchies. Lisez une histoire de la Corse pour savoir comment les Génois ont gouverné l’Ile de beauté. La période qui correspond à leur présence est qualifiée de « siècle de fer ».

N’oublions pas que le Christ lui-même dans son ministère fait référence à la dureté des mœurs. Aux Pharisiens qui lui faisaient observer que la loi de Moïse autorisait les hommes à répudier leur femme, Jésus leur répond ceci :

« C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse vous a permis de quitter vos femmes ; mais cela n’a pas été ainsi dès le commencement. »

Si le Christ vient adoucir la loi et affirmer l’égale dignité de la femme par rapport à l’homme, il ne reconnaît pas moins la nécessité d’une dureté des lois en raison de la dureté des mœurs et des cœurs. Mais Jésus nous montre que ces mêmes lois sont appelées à être modifiées dans le temps avec l’évolution des mentalités sans oublier toutefois que cette évolution doit se faire dans le respect de la loi divine.

Dans le prochain article nous traiterons deux autres amalgames mensongers qui ont la vie dure : l’absolutisme royal et l’éducation nationale œuvre de la république.

Aucun commentaire: