jeudi 31 janvier 2008

Vous avez dit trader ?

Pour en finir avec cette sordide affaire de milliards d'euros envolés et à laquelle la grande majorité des Français n'y comprend strictement rien tant les explications données appartiennent à la langue de bois des milieux financiers (ou du milieu tout court ?), je note que les justifications données sont pour le moins peu transparentes. J'aimerais, par exemple, savoir ce qu'est un "back office" par rapport à un "front office" ?


Il est à peu près certain que les explications officielles ne nous éclaireront guère. D'ailleurs, les responsables ne doivent vraisemblablement pas faire preuve d'empressement dans ce sens là. Une seule chose est certaine, ce sont les petites gens qui feront les frais des agissements d'hommes d'affaires qui confondent opérations financières et casinos de Las-Vegas en spéculant avec des sommes énormes provenant des profits réalisés par les banques, lesquels profits gagneraient à être redistribués ou investis dans l'entreprise, pour une meilleure justice sociale. Et dire que pendant ce temps là, on vient nous expliquer doctement que nous devrons nous serrer la ceinture d'un cran supplémentaire car les caisses de l'Etat sont vides!


Enfin, contentons-nous des explications données par ces golden boys de la finance française qui nous disent que le trader, titulaire d'un master d'ingénierie, qui venait d'un back office espérait booster sa carrière dans son nouveau job au sein du prestigieux front office grâce à un deal audacieux mais que le challenge a échoué. En guise de jackpot, le trader a pris le bouillon, un vrai crash financier pour la Générale. Cette affaire survenant juste après le mini-crack des stocks exchanges sur les grandes places internationales en raison des subprimes peut faire craindre un raid d'une banque étrangère sur la Société Générale.


Thank you mister Daniel Button. Grâce à vos financiers hors pair on devine que la langue française ne s'en portera que mieux et la banque avec !

mercredi 30 janvier 2008

La société générale et le béotien

Le béotien que je suis pose très naïvement cette question à Monsieur Daniel Bouton, actuel P.D.G de la Société générale : comment une banque peut-elle s'apercevoir en moins de 24 heures que mon compte courant affiche un découvert de 124,87 € et laisser se développer sans broncher un trou béant de 5 milliards d'euros sur plusieurs mois sans que quiconque ne s'en émeuve?


Je me permets donc d'inviter les banques à mieux surveiller leurs "traders" (quel affreux terme!), avant qu'ils ne deviennent des traditori comme disent nos amis Italiens, c'est à dire des traitres, et à moins pister les découverts occasionnels de leurs clients qui, à la différence, ne risquent pas de mettre en cause la survie de leur banque.

lundi 21 janvier 2008

L'exécution du roi Louis XVI

Il ya 215 ans, jour pour jour, le 21 janvier 1793, le roi Louis XVI gravissait les marches de l’échafaud, acte ultime du chemin de croix douloureux que le souverain avait vécu depuis 1789 et plus encore à partir de 1792 quand il fut transféré et emprisonné dans la tour du Temple avec sa famille au soir du 13 août. L’insurrection populaire du 10 août qui obligea le roi à venir se placer sous la protection ( ! ) de l’assemblée législative avait fait naître un nouveau pouvoir de type révolutionnaire préfigurant les soviets de 1917 : la Commune. Formée de commissaires élus dans les sections parisiennes, elle mesurait son succès au lendemain de la victoire qui était la sienne après la prise des Tuileries le 10 août 1792 et n’entendait pas en perdre le bénéfice en laissant la famille royale sous la protection des députés. Elle eut gain de cause et se fit remettre le roi et les siens qui furent incarcérés dans le sinistre donjon du Temple. C’est dans ce cadre que Louis XVI devait vivre les derniers mois de sa courte vie. Il était âgé de 38 ans.

Les révolutionnaires ayant décidé la mort du roi, le procès ne fut qu’une parodie de jugement destinée à donner un vernis de légalité à ce qui n’était en réalité qu’un assassinat pur et simple.

Le roi était pleinement conscient du sort qui l’attendait. Dans son bouleversant testament écrit au Temple le 25 décembre 1792, un mois à peine avant son exécution, Louis XVI écrivait ceci :

« Au nom de la très Sainte Trinité du Père du fils et du St Esprit aujourd'hui vingt cinquième jour de Décembre, mil sept cent quatre vingt douze Moi Louis XVIe du nom Roy de France étant depuis plus de quatre mois enfermé avec ma famille dans la Tour du Temple à Paris par ceux qui étaient mes sujets, et privé de toute communication quelconque, mesme depuis le onze du courant avec ma famille de plus impliqué dans un Procès, dont il est impossible de prévoir l'issue à cause des passions des hommes et dont on ne trouve aucun prétexte ni moyen dans aucune Loy existante, n'ayant que Dieu pour témoin de mes pensées et auquel je puisse m'adresser, je déclare ici en sa présence mes dernières volontés et mes sentiments. »

Si le roi n’évoque pas sa mort prochaine, il la laisse sous-entendre en évoquant le procès dont il ne peut prévoir l’issue à cause des « passions des hommes ». Il s’agit là d’un effet de style voulu par le roi, peu porté par nature et par éducation à extérioriser ses sentiments. Il y a là une retenue qui force l’admiration.

Mais la rédaction même du testament, son contenu, montrent à l’évidence que le roi se prépare à une mort imminente.

Tout d’abord le roi confesse sa foi catholique et son union à la sainte Mère l’Eglise Catholique Apostolique et Romaine. Cette confession est pour le souverain d’une extrême importance car elle est destinée à racheter l’erreur qu’il avait commise en avalisant la constitution civile du clergé.

« Je laisse mon âme à Dieu mon créateur, je le prie de la recevoir dans sa miséricorde, de ne pas la juger d'après ses mérites, mais par ceux de Notre Seigneur Jésus Christ, qui s'est offert en sacrifice à Dieu son Père, pour nous autres hommes quelqu'indignes que nous en fussions, et moi le premier.

Je meurs dans l'union de notre sainte Mère l'Eglise Catholique Apostolique et Romaine qui tient ses pouvoirs par une succession non interrompue de St Pierre auquel J.C. les avait confiés. Je crois fermement et je confesse tout ce qui est contenu dans le Symbole et les commandements de Dieu et de l'Eglise, les Sacrements et les Mystères tels que l'Eglise Catholique les enseigne et les a toujours enseignés je n'ai jamais prétendu me rendre juge dans les différentes manières d'expliquer les dogmes qui déchire l'Eglise de J.C. mais je m'en suis rapporté et rapporterai toujours si Dieu m'accorde vie, aux décisions que les supérieurs Ecclésiastiques unis à la Sainte Eglise Catholique donnent et donnèrent conformément à la discipline de l'Eglise suivie depuis J.C. Je plains de tout mon coeur nos frères qui peuvent estre dans l'erreur, mais je ne prétends pas les juger, et je ne les aime pas moins tous en J.C. suivant ce que la charité Chrétienne nous l'enseigne. »

Je meurs dans l’union. Le présent utilisé traduit bien les sentiments profonds qui sont ceux du souverain en cette journée de Noël. A la lire, on pourrait même supposer que cette lettre a été écrite le jour même de son exécution. Or au 25 décembre le procès n’est pas achevé. Ce n’est qu’à partir du 15 janvier que la convention nationale va débattre de la culpabilité du roi et de la peine à appliquer. Le 19 janvier 1793, l’assemblée régicide rend le décret suivant :

ART. I. La convention nationale déclare Louis Capet, dernier roi des Français, coupable de conspiration contre la liberté de la nation, et d’attentat contre la sûreté générale de l’Etat.

II. La convention nationale déclare que Louis Capet subira la peine de mort.

Suivent deux autres articles qui fixent notamment les modalités d’exécution du décret.

Le grotesque des chefs d’accusation énumérés à l’article premier mériteraient un éclat de rire si derrière ces énormités ne se jouait pas une horrible et abominable tragédie humaine dont la France ne s’est toujours pas relevée.

Le jour où la France rendra enfin l’hommage solennel et public que la nation entière doit à son roi martyr, alors pourrons-nous enfin considérer Louis XVI pleinement réhabilité et innocenté et notre nation réconciliée avec son passé.

Les derniers moments de la vie du roi furent rapportés par l’abbé Henry Essex Edgeworth de Firmont, fils d’un pasteur dont la famille, d’origine anglaise, s’était installée en Irlande deux siècles plus tôt. Notable, appartenant à la classe dirigeante anglaise, laquelle affichait le plus grand mépris vis-à-vis des catholiques irlandais, le pasteur Robert Edgeworth, obéissant à un long cheminement spirituel se convertit au catholicisme en 1749. Il fallait un grand courage et une foi profonde car en abjurant la religion protestante Robert Edgeworth savait pertinemment qu’il serait rejeté par ses pairs et que ses enfants ne pourraient jamais accéder à quelque haute charge que ce soit. Nul doute que le jeune Henry Edgeworth dut se forger un tempérament empreint de courage et de vertus en ayant sous ses yeux l'exemple édifiant de son père.

Mis au ban de la société, le pasteur prit la décision d’émigrer en France pour vivre pleinement sa foi catholique. La famille s’installa à Toulouse où le jeune Henry put poursuivre ses études chez les pères jésuites. Plus tard il monta à Paris pour y suivre les cours de théologie de la Sorbonne. C’est donc très naturellement qu’Henry Edgeworth sentit l’appel au sacerdoce. Il entra au séminaire des Missions étrangères de la rue du Bac et fut ordonné prêtre au diocèse de Paris. L’abbé Edgeworth de Firmont commença donc son ministère à Paris même. Attaché aux Missions étrangères, c’est par l’intermédiaire du supérieur de cet institut religieux que le prêtre fut introduit auprès de la famille royale.



L'abbé Henry Essex Edgeworth de Firmont 1745 -1807
Portrait Musée Carnavalet Paris



En effet, quand vinrent les temps douloureux de la persécution révolutionnaire, la question de la constitution civile du clergé posa un grave problème de conscience chez de nombreux catholiques, clercs aussi bien que laïcs. L’abbé Edgeworth dans une lettre adressée à son ami monseigneur Moylan, évêque de Cork en Angleterre, écrit ceci :

« Aux Missions étrangères tout est calme. Le serment ne concerne aucun de nous, puisque nous ne sommes pas considérés comme occupant une fonction publique ; mais je crois que la maison va subir le sort des autres établissements religieux et sera fermée dans quelques semaines ».

De fait, l’abbé ne prêta pas serment. Or il se trouvait que Mme Elisabeth, sœur du roi, catholique fervente, entendant ne jamais avoir recours à un prêtre assermenté, écrivit une lettre au supérieur des Missions étrangères afin qu’il lui trouvât un directeur de conscience et un confesseur non assermenté. Le choix du supérieur se porta sur l’abbé Edgeworth. C’est ainsi, alors que rien ne l’y prédisposait auparavant, que le prêtre entra au service de Mme Elisabeth et qu’il put approcher l’ensemble de la famille royale, prenant ainsi de graves dangers malgré les conseils de ses amis qui lui suggéraient la plus grande prudence voire de cesser toute visite auprès de la famille royale. Il ne prit conscience des périls auxquels il s’exposait que bien plus tard :

« Le fait est, écrivait-il, que je n’appréhendais jamais le danger qui était pourtant certain, ne me rendant pas un compte exact de son acuité ; tandis qu’aucun des membres du clergé n’osait s’aventurer à paraître à la Cour, j’y venais au grand jour, une fois ou deux par semaine, sans même ôter ma robe. En vérité, lorsque je reporte ma pensée sur ces moments affreux, je suis émerveillé d’avoir été si hardi, mais la Providence, je suppose, m’aveuglait à dessein ; et d’ailleurs, si ma présence occasionnait quelque trouble parmi les gardes, je n’en reçus jamais aucune insulte. »



Madame Elisabeth, soeur du roi Louis XVI. Elle fut guillotinée le 10 mai 1794.



Au soir du 20 janvier 1793, alors que l’exécution du roi a été fixée pour le lendemain matin, un inconnu porteur d’un message de la Commune vient chercher en voiture l’abbé Edgeworth aux Misions étrangères pour le conduire auprès du Conseil exécutif provisoire.

A ce propos l’abbé écrit ceci :

«Je trouvais tous les ministres assemblés. La consternation était peinte sur tous les visages. Le ministre de la justice adressa le premier la parole : « Etes-vous, me dit-il, le citoyen Edgeworth de Firmont ? » Je répondis que je l'étais, en effet. « Louis Capet, continua le ministre, nous ayant exprimé le désir de vous avoir près de lui à ses derniers moments, nous vous avons envoyé chercher pour savoir si vous consentiriez à lui rendre le service qu'il requiert de vous ».


Ayant répondu favorablement à la demande du ministre, le prêtre est aussitôt invité à se rendre au Temple.

« Notre parcours, jusqu'au Temple, s'effectua dans un silence lugubre. Deux ou trois fois, cependant, le ministre tenta de le rompre. Il leva les vitres de la voiture et s'exclama, « Grands dieux, de quelle affreuse mission suis-je chargé ! Quel homme, ajouta-t-il, en parlant du roi ; Quelle résignation ! Quel courage ! Non ! La seule nature humaine ne peut donner une telle force de caractère, il y a quelque chose en dehors d'elle ! »

Plus loin l'abbé de Firmont décrit son arrivée à la prison du Temple et l'atmosphère sinistre qui règne en ces lieux. Parlant des sentinelles, il dit d’eux que c'étaient de vrais sans-culottes, presque tous ivres et dont les vociférations, répercutée par les voûtes du Temple, étaient vraiment affreuses à entendre.

On imagine douloureusement à la lecture de cette description, l'atmosphère dans laquelle vécut la famille royale pendant toute sa détention à la prison du Temple !

L'abbé Edgeworth relate ensuite le moment de sa rencontre avec le souverain.

« Jusqu'alors j'avais pu contenir les émotions diverses qui m'avaient assailli, mais à la vue d'un prince, si grand, peu de temps auparavant, et maintenant aussi infortuné, je ne fus plus maître de moi-même et je tombai à ses pieds sans pouvoir proférer une parole. Ceci le toucha plus que le décret qu'il venait d'entendre. Il ne répondit à mes larmes que par les siennes, mais bientôt, reprenant toute sa fermeté : «Pardonnez-moi, dit le Roi, pardonnez-moi, Monsieur, un moment de faiblesse si l'on peut dire. Depuis longtemps j'ai vécu au milieu de mes ennemis et l'habitude m’a en quelque sorte familiarisé avec eux ; mais lorsque je me trouve en présence d'un sujet fidèle, c'est pour moi un tel contraste, qu'en dépit de mes plus grands efforts, je me laisse aller à mon émotion ».

Avec bien des difficultés l’abbé Edgeworth put obtenir l’autorisation des commissaires du Temple pour célébrer la messe que Le Roi entendit au petit matin. « Il s'agenouilla à même le sol sans coussin ni prie-Dieu. Il reçut la communion, après quoi je le laissais seul à ses prières. Puis il m’envoya chercher de nouveau et je le trouvai assis près de son poêle ; il pouvait à peine se réchauffer.»

« Mon Dieu, dit-il, combien je suis heureux de posséder des principes religieux ! Sans eux, que serais-je à cette heure ! Mais avec eux, combien douce me paraît la mort. Oui, là-haut règne un Juge incorruptible duquel je recevrai la justice qui m'est refusée sur terre ».

Puis l’abbé Edgeworth relate le départ du Temple sur le coup des huit heures du matin. Quand arrive Santerre, chef de la garde nationale, le roi s’agenouille aux pieds du prêtre en lui disant : « C’est fini, Monsieur, donnez-moi votre dernière bénédiction et priez qu’il plaise à Dieu de m’aider jusqu’à la fin ».

Le calme et la sérénité qui se dégagent du roi sont impressionnants.

L’ecclésiastique est autorisé à accompagner Louis XVI jusqu’au lieu du supplice. Il monte aux côtés du roi dans la voiture dans laquelle se trouvent aussi deux gendarmes en armes. Le sinistre cortège met près de deux heures pour gagner la ci-devant place Louis XV, rebaptisée place de la révolution et aujourd’hui place de la Concorde. Une escorte composée de gens les plus haineux, selon l’abbé Edgeworth, encadre la voiture. Dans les rues ce ne sont que Parisiens armés de piques et de mousquets. Nul doute que la « majorité silencieuse » comme on l’appellerait aujourd’hui est restée chez elle.

Mais lisons le témoignage bouleversant que nous a laissé le confesseur du roi sur les derniers instants du souverain lorsque le cortège arrive au pied de l’échafaud.

« La voiture avança ainsi dans le silence jusqu'à la place Louis XV et stoppa au milieu d'un grand espace qui avait été aménagé autour de l'échafaud. Cet espace était entouré de canons et, au-delà, une multitude d'hommes armés s'étendait à perte de vue. Aussitôt que le roi s'aperçut que la voiture s'était arrêtée, il se tourna vers moi et murmura : « nous sommes arrivés, si je ne me trompe ». Mon silence répondit que nous l'étions.

« L'un des gardes vint ouvrir la porte de la voiture, et les gendarmes voulaient descendre, mais le roi les arrêta, en posant sa main sur mon genou : « Messieurs, dit-il sur un ton solennel, je vous recommande cet excellent homme. Je vous conjure de le préserver de toute insulte après ma mort ». Les deux hommes ne répondirent pas un mot. Le roi allait continuer sur un ton plus élevé, mais l'un d’eux l'arrêta en disant : Bien, bien, nous aurons soin de lui. Ne vous troublez pas. Et je dois ajouter que ces mots furent prononcés sur un ton qui aurait dû me bouleverser, s'il m'avait été possible de penser à moi-même.

« Aussitôt que le roi eut quitté la voiture, trois gardes l'entourèrent, qui voulaient lui retirer ses vêtements, mais il les repoussa avec hauteur. Il se dévêtit lui-même, défit sa cravate de lingerie, ouvrit sa chemise et l'arrangea lui-même. Les gardes, que la contenance déterminée du roi avait pour un moment déconcertés, semblèrent recouvrer leur audace. Ils l'entourèrent de nouveau et voulurent lui saisir les mains pour les lier.

« Qu'essayez-vous de faire ? dit le roi en les retirant vivement. « Vous attachez », répondirent les misérables. « M'attacher ? dit le roi d'un air indigné. Non, je ne le consentirai jamais à cela. Faites ce qu'on vous a ordonné, mais vous ne me toucherez jamais ». Les gardes insistèrent. Ils élevèrent la voix et parurent vouloir en appeler d'autres pour les aider
.

« Peut-être fut-ce là le moment le plus terrible de cette affreuse matinée. Un instant encore, et le meilleur des rois aurait subi de la part de ses sujets rebelles des indignités trop horribles à décrire - indignités plus insupportables que la mort. Tel était le sentiment qu’exprimait sa contenance. Se tournant vers moi il me regarda fixement, comme pour me demander mon avis. Hélas ! Il m'était impossible d'en donner aucun et je répondis par le silence. Mais comme il continuait à me fixer d'un regard interrogateur, je répondis : « Sire, dans cette nouvelle injure, je ne vois qu'un nouveau trait de ressemblance entre Votre Majesté et Le Sauveur dont vous allez recevoir la récompense ». À ces mots, il leva les yeux au ciel avec une expression que je serais incapable de décrire. « Vous avez raison, dit-il, son exemple seul me permettra de subir une telle humiliation ». Puis se tournant vers les gardes « Faites ce que vous voulez. Je boirai la coupe jusqu'à la lie ».

« L'escalier montant à l'échafaud était extrêmement raide et difficile. Le roi fut obligé de s'appuyer à mon bras et, à la lenteur qu'il mit à le gravir, je pus craindre un instant que son courage ne lui fasse défaut. Mais quelle ne fut pas ma stupeur lorsque, arrivé à la dernière marche, je le sentis tout à coup quitter mon bras et traverser d'un pas ferme toute la largeur de l'échafaud, imposer silence par son seul regard à quinze ou vingt tambours qui lui faisaient face et, d'une voix si forte qu'on dut l'entendre du Pont Tournant, je l'entendis prononcer distinctement ces paroles mémorables : «Je meurs innocent de tous les crimes que l'on m'impute. Je pardonne à ceux qui ont occasionné ma mort et je prie Dieu du fond de mon cœur de leur pardonner comme moi et de ne pas venger sur la nation française le sang que l'on va répandre ».

« Il allait continuer lorsqu'un homme à cheval, en uniforme national, tira son épée et, faisant signe aux Tambours, leur ordonna avec un cri féroce de battre. On entendit alors plusieurs voix encourageant les exécuteurs. Ils semblèrent alors se ranimer et, saisissant avec violence le plus vertueux des rois, ils le traînèrent sous l'axe de la guillotine qui, d'un seul coup, sépara la tête de son corps. Tout ceci ne dura qu'un instant. Le plus jeune des gardes, qui semblait avoir à peine dix-huit ans, saisit la tête immédiatement et la montra au peuple qui se pressait autour de l'échafaud. Il accompagna cette monstrueuse cérémonie des gestes les plus atroces et les plus indécents.

« Il y eut tout d'abord un affreux silence. Puis on entendit quelques cris de « vive la république » petit à petit, les voix se multiplièrent et, en moins de dix minutes, ce cri, mille fois répété, devint la voie universelle de la foule en délire, et tous les chapeaux volèrent
».

Ici s’arrête brusquement le récit de l’abbé Edgeworth de Firmont. On notera qu'à aucun moment le prêtre ne fait allusion à cette supplique qu'on lui prête au moment où le roi fut décapité: "Fils de Saint Louis, montez au Ciel !" Prononça-t-il ces mots ? On ne peut l'affirmer formellement.



Louis XVI Roi de France et de Navarre
1754 -1793

Dans une lettre adressée à son frère, l'abbé Edgeworth expliqua plus tard comment il put quitter les lieux, lui, prêtre catholique ayant accompagné le roi, alors qu’autour de lui se tenaient plusieurs rangées d’hommes en armes et que, derrière, toute une populace exaltée par la vue du sang répandu semblait plus que menaçante. Fort heureusement pour lui, le prêtre n’avait pas été autorisé à revêtir les vêtements sacerdotaux ce qui lui permit, après avoir franchi les premiers rangs des « spectateurs », de se fondre anonymement dans la foule.

En cette journée du 21 janvier, souvenons-nous de notre roi, prions pour le repos de son âme, de celle de la reine, de celles de la famille royale et de toutes les victimes innocentes de la révolution.

Prions aussi pour la France meurtrie tant l'esprit révolutionnaire et l'esprit de haine contre Dieu sont présents deux siècles après la tragédie du 21 janvier 1793.


Miserere nobis Domine.

21 janvier 1793

+

MEMENTO DOMINE



LUDOVICUS XVI REX GALLIAE

REQUIEM AETERNAM

dimanche 20 janvier 2008

Benoît XVI et l' université de la Sapienza

Comme chacun sait, le pape Benoît XVI a renoncé à la visite qu'il devait effectuer à l'université de la Sapienza à Rome le jeudi 17 janvier, en raison de la violente opposition qui s'est faite parmi certains professeurs et étudiants qui dénonçaient "l'incroyable violation de la tradition d'autonomie des universités". La mauvaise foi de l'argument n'a d'égal que le comportement haineux de gauchistes manifestant sur la voie publique affublés d'ornements sacerdotaux et de mitres et exhibant des affichettes sur lesquelles on peut lire Maledictus XVI.

J'ose espérer que cette université n'ouvrira plus désormais ses portes à qui que ce soit, au nom, bien sûr, de l'autonomie. Il y a là, manifestement, un signe de grande ouverture intellectuelle pour des individus qui se veulent hommes de sciences et qui dans le même temps dénoncent l'obscurantisme de l'Eglise qui condamna Galilée.

Dont acte! On observera que la haine du catholicisme se porte bien aujourd'hui, y compris en Italie terre relativement préservée en raison du poids de l'Eglise italienne et du rayonnement de la papauté sur la péninsule.


Interrogé sur la chaîne italienne RAI Uno, le cardinal Camillo Ruini a d'abord rappelé l'unité de toute l'Eglise italienne derrière le Saint Père dans la prière. Il a ensuite déploré l'intransigeance de ceux qui se sont opposés à la venue du pape. L'université est et doit être, selon le cardinal Ruini, un espace privilégié de liberté d'expression dans le respect réciproque des convictions des uns et des autres.




Le cardinal Camillo Ruini actuel vicaire général pour le diocèse de Rome et président de la conférence épiscopale italienne jusqu'en 2007.


Comme de bien entendu, les scientifiques ont exploité la vieille affaire Galilée (elle commence singulièrement à sentir le réchauffé) en rappelant les propos tenus par celui qui était à l'époque le cardinal Ratzinger, lequel, reprenant une affirmation de Feyerabend, philosophe des sciences d'origine autrichienne, avait déclaré le 15 mars 1990 à Parme que l'Eglise s'était montrée plus fidèle à la raison que Galilée lui-même.

Pour ceux qui pensent en toute bonne foi que l'Eglise a condamné Galilée par obscurantisme, je cite cet extrait d'un article de M. l'abbé Demets qui remet parfaitement les choses à leur véritable place :

"Galilée n’a donc jamais été condamné pour avoir affirmé que la Terre tourne autour du Soleil car cette affirmation relève des sciences positives ( astronomie ) et non de la foi. Certes, des passages de l’Ecriture semblent indiquer le contraire, mais les théologiens ont toujours reconnu que l’Ecriture s’exprime souvent selon l’opinion courante, par exemple quand on parle temporellement de Dieu, qui est pourtant éternel. Dans le langage courant, nous disons bien que le Soleil se lève ou se couche. Or nous savons bien que ce n’est qu’une métaphore, puisque cette impression de Soleil levant ou couchant nous est en réalité donnée par la rotation de la planète. La Bible emploie très souvent un langage imagé pour décrire une réalité. Il s’agit encore une fois de ne pas être littéraliste.


A partir de 1611 Galilée milite pour le système de Copernic ( 1473 – 1543 ). Ce dernier avait émis l’hypothèse de l’héliocentrisme pour expliquer le mouvement des planètes. Ainsi la Terre ne serait plus au centre du monde, comme on le pensait jadis. Mais jamais cela ne fut considéré comme une vérité révélée à croire de foi divine. Or voici qu’en 1623 un ami personnel de Galilée, Maffeo Barberini, devint Pape sous le nom d’Urbain VIII. Galilée insiste alors auprès de son ami pour que ses thèses soient proclamées « d’Eglise » ce que le Pape ne peut absolument pas accepter. Etant gardien de la foi, il ne peut nullement faire passer pour article de foi ce qui n’est qu’une hypothèse scientifique. Imaginez le tollé que cela provoquerait si de nos jours Jean Paul II érigeait en dogme d’Eglise une hypothèse scientifique, même reconnue par tous les savants. On crierait à la confusion dans l’ordre du savoir et on reprocherait à l’Eglise de se prononcer sur un domaine qui ne la concerne pas directement. Et bien le Pape Urbain VIII a justement voulu éviter cela.


En 1630 Galilée explique le mouvement de la Terre par le phénomène des marées. Il enseigne cette théorie publiquement, comme étant vraie. Or il se trouve qu’elle est fausse comme le montrera Newton par la suite. On demande alors à Galilée de ne présenter ses théories que comme des hypothèses et de renoncer à commenter la Bible. Galilée persistant malgré tout, le Saint-Office ouvre un procès. Il est condamné à renoncer au système de Copernic qui n’était pas encore prouvé, et est assigné à résidence dans sa villa de Toscane. Ce fut certainement une sage sentence, peut être due à l’intervention du Pape, son ami, car à ce moment, Galilée âgé de 69 ans voyait très mal et ne pouvait se déplacer que difficilement. Il put ainsi se retirer tranquillement chez lui, loin de toutes polémiques, pour continuer son travail, ce qui lui permit de rédiger son Traité de mécanique. Quant à l’affirmation « Et pourtant, elle tourne ! », il ne l’a jamais prononcé. Ce mot lui a été attribué au XVIIIè siècle par les ennemis de l’Eglise. "

On ne peut, dès lors que l'on connaît les véritables ressorts de l'affaire Galilée, que souscrire entièrement aux propos du cardinal Ratzinger. L'Eglise aurait eu bonne mine en proclamant comme vérité de foi une thèse scientifique qui se révélera fausse par la suite!


Il est donc bien évident que l'Eglise fit preuve dans cette affaire de beaucoup de sagesse et de raison, ce qui fut loin le cas de Galilée qui faillit pour le moins aux vertus de prudence et d'humilité.

Galileo Galilei 1564 - 1642

Dans le dernier livre qu'il écrivit en tant que cardinal, Benoït XVI nous livre quelques réflexions intéressantes sur la foi et la raison qui sont loin de s'exclure mutuellement.

"Il existe des pathologies de la religion : nous le constatons; il existe des pathologies de la raison : nous le constatons également. Ces deux pathologies sont fatales à la paix.[...] Dieu, ou la divinité peut devenir une façon de rendre absolus le pouvoir ou les intérets personnels. [...] Mais il existe aussi une pathologie : celle de la raison totalement détachée de Dieu. [...]


1. Nous l'avons vu, il existe dans la religion des pathologies hautement dangereuses; il est par conséquent nécessaire de considérer la lumière divine de la raison comme une sorte d'organe de contrôle, par lequel la religion doit chaque fois se laisser purifier et réguler, comme le pensaient aussi, d'ailleurs, les Pères de l'Église. Mais de nos consi­dérations est également apparu - et l'humanité d'aujourd'hui ne s'en rend pas compte, en général - le fait qu'il existe aussi des pathologies de la raison, une hybris (sic) de la raison qui n'est pas moins dangereuse; bien plus, si l'on considère ses effets potentiels, elle est encore plus dangereuse : la bom­be atomique, l'homme pur produit. C'est pourquoi la raison doit, elle aussi, être renvoyée à ses limites, et apprendre à se rendre disponible pour écouter les grandes traditions religieuses de l'humanité. Si elle s'émancipe totalement, si elle renonce à cette disponibilité, si elle renonce à cette interdépen­dance, elle devient alors dévastatrice.

Kurt Hübner a récemment exprimé cette exi­gence disant que soutenir cette thèse ne signifie pas aussitôt qu'il faille " revenir à la foi ", mais qu'ainsi " on se libère de l'aveuglement de notre époque, voulant que la foi n'ait plus rien à dire à l'homme d'aujourd'hui sous prétexte qu'elle contredirait l'idée qu'il se fait de la raison, de la rationalité et de la liberté ". Aussi, je parlerais volontiers d'une nécessaire interdépendance de la raison et de la foi, de la raison et de la religion, appelés à se purifier mutuellement, à se guérir réciproquement; elles ont besoin l'une de l'autre, et toutes deux doivent le reconnaître
."


Tout d'abord, je suggère aux laïcistes enragés de s'imprégner de ces lignes remarquables de pondération et de sagesse; cela leur épargnera de montrer au grand jour l'intolérance et le sectarisme dont ils font preuve et qu'ils croient avoir discernés dans l'Eglise, au temps de Galilée comme aujourd'hui.


Enfin il nous faut soutenir ardemment par la prière notre pape bien-aimé comme il nous l'a demandé au soir de son élection afin qu'il trouve en lui et par la grâce de Dieu la force indispensable pour mener le combat de la Vérité.

lundi 14 janvier 2008

L'autel ancien et le dos au peuple

Le pape Benoît XVI a célébré dimanche 13 janvier une messe dans la chapelle Sixtine non pas le dos tourné au peuple comme l’écrit stupidement la grande presse française mais tourné vers l’autel selon le rite traditionnel de notre Eglise.

Voici un extrait de l’article que le Monde consacre aujourd’hui à cet événement :


"Faut-il y voir un nouveau signe adressé à la frange la plus conservatrice de l'Eglise catholique ? Célébrant la messe dominicale dans la chapelle Sixtine, à Rome, dimanche 13 janvier, le pape Benoît XVI a utilisé un autel ancien placé contre le mur, tournant à plusieurs reprises le dos aux fidèles, selon un rite qui n'avait plus été observé en public par un pape depuis le concile Vatican II (1962-1965)".

On peut se demander si la dénommée Stéphanie Le Bars, auteur, auteure, autrice, auteuse (ad libitum selon les goûts de chacune et de chacun) de cet article possède un minimum de culture religieuse catholique pour écrire un tel article.

Ainsi selon cette auteuse, le souverain pontife a utilisé un autel ancien. Pour un peu elle nous affirmerait que le pape a trouvé un vieil autel qui trainait par hasard contre un mur et qu’il lui a pris l’envie, la lubie, de célébrer la messe dominicale sur cet autel.

En fait de vieil autel contre un mur, il s’agit du splendide autel que surmonte un imposant crucifix et qui se trouve au pied de la fresque du Jugement dernier de Michel-Ange. Bien entendu cet autel est majestueux et n’a rien à voir avec la table qui avait été mise en place pour les célébrations « verso populo ».





Le pape de dos célébrant la messe du dimanche 13 janvier 2008 à l'autel de la chapelle Sixtine



Pire encore le pape, quelle incorrection, s’est permis de tourner le dos au public à plusieurs reprises. Ce doit être anti-démocratique pour notre journaliste. Il est invraisemblable que Dieu s’affranchisse des droits de l’Homme et conduise le souverain pontife à ignorer le peuple au point de lui tourner le dos. Si elle ne l’écrit pas, on peut supposer qu’elle n’est pas loin de le penser. D’ailleurs, le pape ne peut pas être un démocrate car elle poursuit plus loin sur Benoit XVI :

"Quelques mois plus tôt, en mars, le pape avait affiché des positions particulièrement conservatrices sur la vie et les rites de l'Eglise. Il y rappelait le caractère obligatoire du célibat des prêtres et l'interdiction de sacrements faite aux divorcés remariés.

Intervenant régulièrement dans les débats de société depuis son élection, le pape s'est aussi vivement opposé à des réformes engagées en Italie, en Espagne ou en Pologne sur le pacs, l'interruption volontaire de grossesse, la loi accélérant les procédures de divorce, l'euthanasie ou les manipulations sur les embryons."


Bref, comme on le voit le pontificat du Papa Ratzinger, comme disent nos amis Italiens, se résume à des prises de position rétrogrades sur les grandes questions de société, là où notre société occidentale, et la France en particulier, affiche dans le domaine du respect de la vie humaine et en matière de mœurs les positions les plus avancées qui soient, donc conformes aux valeurs démocratiques.

Ceci étant, le souverain pontife, soucieux de redonner à la liturgie la dimension sacrée qu’elle a perdue dans le vent de réformes folles qui ont suivi le concile Vatican II (Je dis bien qui ont suivi et non qui sont la conséquence car je me garderais bien de formuler un avis aussi péremptoire alors que je ne connais pas, comme beaucoup, les textes du concile concernant la liturgie, en particulier la constitution Sacrosanctum Concilium pour la restauration de la liturgie) a tenu à célébrer la messe sur l’autel majeur. Toutefois, la messe était celle de Paul VI en langue vernaculaire. Rien de bien révolutionnaire dans tout cela.

L’entourage du cardinal Vingt-Trois interrogé sur cet événement a répondu qu’il s’agissait d’un non-événement et que le choix du pape était lié à la configuration de la chapelle Sixtine dans laquelle l’autel a été construit pour cette ancienne messe.

La réponse est toute en nuance et pour le moins diplomatique, car on sent bien que l’entourage du nouveau cardinal n’exulte pas de joie à l’idée que le chef de l’Eglise ait pu célébrer la messe tourné vers l’autel, même s’il s’agissait d’une messe dans la forma ordinaria en langue italienne de surcroît.

Cela n’enlève rien au caractère savoureux de cette réponse. Les proches de l’archevêque de Paris découvrent que la configuration des églises les rend plus propices à des célébrations eucharistiques selon le rite ancien que selon la formule du one man show face au peuple adoptée par le clergé moderniste.


Je vais même vous surprendre: figurez-vous que l'architecture des églises, du moins toutes celles que l'on a édifiées avant les constructions maçonniques du même tonneau que la cathédrale d'Evry, a été conçue pour que le prêtre célèbre la messe face au tabernacle et non face à l'assistance.

L’entourage de Mgr Vingt-Trois serait bien inspiré de s’appliquer à lui-même cette observation, d’autant que le meuble qui tient lieu d’autel à Notre Dame de Paris est d’une laideur indicible.




Le Jugement dernier Chapelle Sixtine


Ah, un dernier point que j’allais oublier! L’autel ancien contre le mur dont parle madame Le Bars est celui sur lequel est placé l’urne lors de l’élection du souverain pontife. Chaque cardinal s’y rend pour y déposer solennellement son bulletin et ce au pied de la fresque du jugement dernier qui lui rappelle opportunément la gravité de son choix et les comptes qu’il aura à rendre le moment venu.

Tout compte fait un autel pas si ancien que cela et qui sert, ô combien, dans les moments les plus solennels et les plus graves de notre Eglise comme peuvent l’être les conclaves.

vendredi 11 janvier 2008

Nicolas et Carla

Puisque nous sommes dans le temps des vœux de début d’année, permettez-moi de vous adresser non des souhaits de santé ou de bonheur, l’un comme l’autre échappant en grande partie à notre propre volonté, mais des souhaits de courage et de pugnacitié afin que nous ne faiblissions point dans notre combat pour que vive une France fidèle à son passé mais confiante aussi dans son avenir. Le bonheur nous sera accordé à l’aune de nos efforts ; aide toi et le Ciel t’aidera.

S'agissant de bonheur, il semble que deux êtres nagent en moment en pleine félicité. Il s’agit bien entendu du chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy, et de Carla Bruni. D’aucuns me diront que cet événement n’en est pas un, qu’il est tout juste au bon à alimenter les articles d’une presse à sensation, d’autres feront observer que nous touchons à la vie privée du Chef de l’état et que sa vie sentimentale ne doit pas étalée au grand public.


Les uns comme les autres ont sûrement raison, encore que le président affiche sa liaison de façon ostentatoire. Cependant, mon approche est beaucoup plus nuancée. Certes, les détails de la vie intime du couple Sarkozy-Bruni ne présentent aucun intérêt et ne peuvent que satisfaire des lecteurs friands de sensations et qui se délectent des frasques de nos « grands ». Le prince Charles, la princesse Diane, les enfants du prince Rainier et de la princesse Grace ont longtemps alimenté les pages de cette presse à grand renfort de détails sordides.


Une telle presse de caniveau incite les lecteurs à se vautrer dans un voyeurisme malsain et à se délecter des turpitudes ou les malheurs des têtes plus ou moins couronnées dont le pouvoir effectif reste très limité soit du fait des institutions, comme pour le Royaume Uni, soit de par la taille liliputienne de l’Etat. Monaco n’a jamais que la dimension d’une petite sous-préfecture de province et encore!

S’agissant du président de la république nous sommes dans une toute autre configuration. Le président détient un pouvoir réel et peut influer sur le cours des choses, s'il veut s'en donner les moyens, mais ceci est une autre affaire. Nous ne pouvons donc pas faire l’économie d’un commentaire non pas sur la relation sentimentale en elle-même mais sur le contexte dans lequel celle-ci a pris naissance et s’est développée et sur ses implications politiques.

Politique et monde du show-bizz

Nous observons depuis plusieurs années déjà que les politiques nouent des relations sentimentales avec des personnes issues du monde médiatique. La télévision est bonne marieuse dans ce domaine. Dominique Strauss-Kahn, François Baroin, Jean-Louis Borloo, Douste-Blazy, Bernard Kouchner, autant de personnages politiques de premier rang qui ont noué des liens avec des femmes du monde de la télévision.

En allant séduire un ancien mannequin, Nicolas Sarkozy innove de manière fracassante. Probablement au nom de la rupture qu’il a préconisée tout au long de sa campagne électorale.

Nous voici, en effet, dans une grande première avec chef de l’Etat qui affiche ostensiblement sa liaison avec une jeune femme appartenant au milieu du show-bizz.

La liaison entre le chef de l’Etat et l’ancien mannequin dont la vie privée pour le moins sulfureuse, est révélatrice de la dérive du monde politique de plus en plus lié avec le monde du spectacle et celui de la télévision, lesquels présentent au demeurant bien des similitudes. On peut même de se demander dans quelle mesure cette dérive n’est pas inscrites génétiquement dans le fonctionnement d’une démocratie telle que nous la vivons dans les pays occidentaux.

La télévision, en particulier, a profondément modifié la physionomie des campagnes électorales. Jadis un les électeurs se contentaient de la presse écrite et des rares interventions télévisées. Lorsqu’on revoit les images délicieusement surannées de la campagne pour les élections présidentielles de 1965, nous mesurons le fossé qui sépare cette époque de celle d’aujourd’hui. La télévision est devenue le passage hautement obligé de tout candidat à l'élection présidentielle.

En 1965, le général De Gaulle briguait un deuxième mandat mais pour la première fois dans notre histoire l’élection du chef de l’Etat se faisait au suffrage universel. C’est précisément ce mode d’élection qui a bouleversé en quarante ans l’esprit même du suffrage universel, devenu le champ d’action des publicitaires, des marchands d’illusion, des vendeurs de slogans, des adeptes des promesses ronflantes qui n’engagent que les crédules qui veulent bien y croire.

Europe et mondialisation obligent, nos gouvernants ont perdu la quasi-totalité de leurs pouvoirs régaliens. Jean-Claude Trichet, gouverneur de la banque centrale européenne, est beaucoup plus influent que ne peut l’être Nicolas Sarkozy et c’est bien ce qui agace ce dernier qui le lui fait sentir au demeurant.

La politique est donc devenue un vaste spectacle ou les vrais enjeux sont avant tout les ambitions des uns et des autres et l’attrait d’un bon fromage. Une fois arrivé à la charge suprême, les présidents gèrent leur mandat comme ils peuvent. François Mitterand fut vite frappé par la maladie et ses deux septennats furent une belle partie de poker menteur avec les Français pour cacher la maladie et pour dissimuler sa double vie. Jacques Chirac, foin de la fracture sociale, s’installa douillettement dans le confort élyséen tandis que le judoka Douillet opérait avec Bernadette Chirac et ses pièces jaunes une savante reconversion au terme de sa carrière sportive.

Par tempérament Nicolas Sarkozy est tombé dans l’agitation vibrionnaire. Le matin à Paris, le soir à Berlin, le lendemain sur l’île de Malte; un jour à Tripoli, le jour suivant en Espagne, reçu par Benoît XVI entre deux rendez-vous, il n’a pas oublié pour autant ses amitiés et ses soirées parisiennes qui lui ont permis de rencontrer la belle Carla. Divorcé un jour, il est quasiment remarié le lendemain. On comprend mieux le sobriquet que d'aucuns lui ont collé: "Speedy Sarko".

Le monde du show-bizz et celui du journalisme ne se distinguent pas par leur attachement aux valeurs traditionnelles, c’est le moins que l’on puisse dire. On admet que 90 % des journalistes ont le cœur à gauche, parfois même très, très à gauche. Les vedettes du spectacle sont d'un conformisme de pensée proprement affligeant. Ce n'est pas demain que l'on verra un chanteur ou une actrice prendre fait et cause pour Jean-Marie Le Pen ou Philippe de Villiers. La presse comme la télévision ou la radio véhiculent une idéologie de gauche, même quand certains journaux se réclament de droite.

On peut donc se demander quelles peuvent être les convictions profondes de notre président au regard de ses amitiés ou de ses amours. Dis moi qui tu fréquentes, je te dirai qui tu es.